Grosse Ile - 27 octobre 2022

GROSSE-ÎLE, 1847

Dans les mots de ceux qui l’ont vécu.

Devoir de mémoire tout en émotion.

Dans cette pièce pour le moins unique en son genre, nous entendons la voix de nombreux témoins, victimes et intervenant, qui ont surtout vécu en 1847 et qui ont laissé des traces écrites ; lettres, journaux, blocs notes, etc. Des archives ont été méticuleusement scrutées par l’acteur Émile Proulx-Cloutier. Il en a fait une mosaïque, un «remix» d’une grande richesse historique mais aussi remplie d’informations pertinentes et surtout remplie d’émotion.

La grande famine qui sévissait en Irlande a amené des dizaines de milliers de migrants jusqu’à Grosse-Île (archipel de l’Isle-aux-Grues), rêvant de vivre simplement, décemment, enfin avoir une vie meilleure au Canada. Mais le trajet dont plusieurs pensaient qu’il ne durerait que 3 semaines s’est poursuivi jusqu’à 2 mois dans des conditions de malnutrition et d’insalubrité incroyable. Pour plusieurs le voyage se terminera définitivement à Grosse-Île, des décès entre 100 et parfois plus de 200 par semaine. Le typhus frappe surtout les adultes confinés en situation précaire, sous-alimentés et en absence d’hygiène. Pas besoin de dire que tous les éléments étaient présents pour ce bouillon de culture. L’île et ceux qui y travaillaient ne pouvaient accueillir et soigner décemment ces nombreux malades.

Malgré l’ignorance et la peur, de grands élans de générosités ont émergés. Entre autres à Pointe-Saint-Charles où les Sœurs de la Charité ou Sœurs Grises ont accueilli et soigné nombreux d’entre eux. 

Émile Proulx-Cloutier a réalisé une œuvre de mémoire monumental. La mise en scène est magnifique; des projections à travers des rideaux transparents, une voile qui s’impose en fond de scène. On commence tout en légèreté avec un aperçu de ce que l’on trouvait comme publicité dans les médias en 1847.  Puis les acteurs, porteurs d’archives, donnent vie à ces écrits remplis d’espoir, d’émotions mais aussi des demandes d’aides matérielles et surtout de mains d’œuvre. Hugues Frenette interprète le Dr George Douglas, une performance remarquable. Il est entouré de 7 autres acteurs/porteur d’archives qui supporteront aussi le bruitage, la musique et les chœurs.

À la veille de ses 175 ans, je crois qu’à défaut de tout connaître et de tout comprendre de cette histoire infiniment triste, il est important d’en apprendre plus sur ce pan de notre histoire (il faut le dire pas toujours reluisante et méconnue). Cette pièce est un incontournable préambule à une éventuelle visite de Grosse-Île. Ou pas. Mais assurément incontournable pour la richesse en témoignages et en émotion.

À voir jusqu’au 19 novembre 2022 au Théâtre de la Bordée.

Création et mise en scène d’Émile Proulx-Cloutier.

Distribution : Vincent Champoux, Nicolas Drolet, Hugues Frenette, Érika Gagnon, Marie-Hélène Gendreau, Véronika Makdissi-Warren, Élie Saint-Cyr et Sarah Villeneuve-Desjardins.

www.bordee.qu.ca

Louiselle LaVoie