Les Belles-soeurs - 02 janvier 2018

Les Belles-sœurs, autour des timbres et du Bon Dieu

En 1968, un jeune auteur montréalais propose un texte qui sera lu pour la première fois devant publique au Théâtre d’Aujourd’hui. L’été suivant, c’est au Théâtre du Rideau Vert, qu’est présentée la toute première représentation de ce qui deviendra un classique du théâtre québécois. Dans le cadre du 50e anniversaire de sa création, les Belles-Soeurs, ont mis leurs armoires de cuisine, leur table et quelques chaises dans un camion pour visiter le Québec.

Du 7 au 25 novembre, c’est dans un théâtre Le Capitole de Québec complétement rénové, que la gang de femmes au foyer de Montréal colleront leurs timbres Gold Star.

Les belles sœurs nous replongent dans les années soixante, dans un Québec encore complexé, de personnes nées pour un petit pain. A une époque où les femmes n’avaient que peu d’instruction, où l’on pouvait trouver le bonheur à quelque part entre des timbres et le bon Dieu. Ayant remporté un million de timbres Gold Star, lui permettant de se procurer une panoplie d’articles, Germaine Lauzon (Kathleen Fortin) fait appel à sa sœur et ses voisines pour une soirée de « collage ».

Tout comme Le Capitole, les Belles-sœurs ont subi une cure de jeunesse. En 2010, la musique de Daniel Bélanger se greffait aux paroles et à la mise en scène de René-Richard Cyr pour créer une version musicale de l’œuvre de Michel Tremblay.

La recette est plus que réussie. Les chansons de Cyr et Bélanger, loin de dénaturer l’œuvre originale, ont amené ce classique du théâtre québécois dans une dimension dynamique moderne dans décor d’hier. A travers les traits de caractère des personnages, à travers leurs propos, on vivra au rythme des premiers pas de l’émancipation, encore hésitante, de la femme. La quête du bonheur, l’espoir timide et un défaitisme senti font partie du paysage de l’époque.

Les Belles-sœurs, version 2018 bénéficie d’un casting solide et juste. Les comédiennes au jeu impeccable savent aussi très bien chanter. Bien que le travail des personnages secondaires Éveline Gélinas (Pierrette Guérin), Édith Arvisais (Linda Lauzon), Sylvie Ferlatte (Angéline Sauvé), Geneviève Alarie (Thérèse Dubuc), Geneviève St Louis (Marie-Ange Brouillette), Jade Bruneau (Desneiges Verrette), Michelle Labonté (Yvette Longpré), Frédérike Bédard (Olivine Dubuc), Hélène Major (Lisette de Courval) et Monique Richard (Rhéauna Bibeau) soit plus qu’efficace, le jeu de Sonia Vachon (Rose Ouimet) et Kathleen Fortin (Germaine Lauzon) est parfait. Les mélodies de Daniel Bélanger sont accrocheuses et les répliques colorées du texte de Tremblay restent, encore aujourd’hui, de petits bijoux. Les chansons naviguent entre la comédie et le drame, faisant inévitablement appel à la réflexion. L’ingénieuse mise en scène de René-Richard Cyr exploite habilement le décor ou le dessus des armoires de cuisine sert de zone tampon aux comédiennes hors scène. Des deux côtés de la scène, quatre musiciens partiellement visibles, viennent ajouter une touche fort intéressante à ce spectacle.

Au final, on comprendra que le bonheur n’est pas toujours facilement au rendez-vous mais que ce groupe de « matantes » aura un peu tracé le chemin vers l’égalité de la femme.

Une excellente pièce à voir absolument!

Après l’arrêt à Québec, les Belles-sœurs déménageront leurs pénates à Sherbrooke pour une série de représentations au début de la prochaine année.

Vous pouvez les suivre via le bellessoeurs.ca

Claude Gignac